La fatigue nous emportait, comme le vent emporte la poussière, comme le temps emporte les souvenirs. Nous étions tous trois allongés sur cette table et ce banc, les mains liées. L’une, s’endormait, et nous deux, les yeux rivés vers ce ciel trop bleu, ces nuages trop haut, ce soleil trop grand, nous chuchotions des choses impossibles, des choses confidentielles, des choses qui ne se disent pas. Mais qu’importait, nous étions la, heureux. Et mes pensées, ce jour la, allaient si vite dans mon esprit, je voyais tout, comprenais tout, je savais qu’il était un instant encore parfait, encore éphémère. Du bout des doigts je caressais tes doigts, et j’aurais voulu rester là. Une éternité. La fatigue peut nous mettre dans des états bien étranges. Se sentir dans le monde comme dans celui de mes rêves. Penser alors que tout est possible, que rien n’est extravagant.
Je savais que je voulais vivre ce moment toute ma vie,
je savais que l’amour n’était qu’artifices, je savais qu’il ne me rendrait pas si heureuse,
je savais que le monde n’était pas celui de la société et des humains, mais de la nature, du vent et de la nuit.
Je savais que seuls nous trois comptaient, la, maintenant.
Je savais que je voulais vivre ce moment toute ma vie,
je savais que l’amour n’était qu’artifices, je savais qu’il ne me rendrait pas si heureuse,
je savais que le monde n’était pas celui de la société et des humains, mais de la nature, du vent et de la nuit.
Je savais que seuls nous trois comptaient, la, maintenant.
Mais bientôt, lorsqu’il eut fallut sortir de ce si doux état, j’eus bien vite compris que tout ceci n’était que folies, et que tout ce à quoi j’eus pu penser en cet instant ne pouvait être compatible avec ce monde. Alors oublier ces divagations d’âmes fatiguées, oublier cet instant d’égarement, de somnambulisme? Non, surtout, ne pas oublier.
Ne pas oublier cette jolie demoiselle, cette sœur, cet ange, s’endormant paisiblement, le souffle léger, lent,
ses mains si fragiles, si blanches, son corps si gracieux.
Ne pas oublier ton visage, se retournant vers moi, tes yeux si transparents, laissant le ciel les transpercer,
ton sourire si comblé, si radieux, tes mains si douces.
Ne jamais oublier cet instant si beau, ces pensées si folles.